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Victoria University of Wellington Law Review

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Gire, Hilaire --- "La Coutume en Nouvelle-Caledonie" [2001] VUWLawRw 37; (2001) 32(3) Victoria University of Wellington Law Review 751

LA COUTUME EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Hilaire Gire[*]

Ce texte reprend de manière succincte, les principaux points développés par M Gire lors de la conférence qu’il a donnée le 30 novembre 2000, à l’Université de la Polynésie Française, dans le cadre du cycle de conférences organisées par l’UPF et l’ALCPP.
This text lists the main points made by Hilaire Gire in a speech given in Tahiti on 30 November 2000, on the topic of Custom in New Caledonia.

I DÉFINITION

On peut oser une définition générale de la coutume en proposant "qu'elle est l'ensemble des règles non écrites qui déterminent les modes relationnels ".

D'une façon plus courte, on pourrait dire que c'est " l'art de vivre ensemble".

En Nouvelle-Calédonie, cet art de vivre ensemble en repose sur deux principes constitutifs et fondamentaux.

Le respect et le consensus, facteurs de paix privée et publique.

Contenu du respect : les jeunes et vis-à-vis des anciens—

(1) Vis-à-vis du chef de clan (case prioritaire);
(2) Vis-à-vis du chef de tribu (visite coutumière).;
(3) Vis-à-vis de la Grande Chefferie ou du Grand Chef (repas des ignames).

L'expression en est caractérisée par le don coutumier (argent, tabac).

Contenu du consensus : dans les décisions claniques, tribales, des grandes chefferies.

Ces décisions ne peuvent être prises qu'à l'unanimité.

C'est un procès-verbal de palabre qui consacre la décision, rédigée par l'autorité coutumière qui a présidé à la séance.

L'intégrisme coutumier existe et il peut être en obstacle au consensus.

II EXISTENCE JURIDIQUE

L'état français reconnaît l'existence du droit coutumier dans l'article 75 de la Constitution française dispose que : " les citoyens de la république qui n'ont pas le statut civil de droit commun conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ".

Une ordonnance de 1982 crée la fonction d'assesseurs civils dans les juridictions pénales afin de permettre aux sujets de droit coutumier de faire valoir leur spécificité. Cette même ordonnance permet aux sujets de droit coutumier de faire trancher leurs litiges par les autorités coutumières tout en leur laissant la possibilité de saisir la juridiction de droit commun.

L'assemblée territoriale a institutionnalisé certaines règles coutumières, en matière d'état civil de mariage, de droit successoral, d'attribution foncière.

Ces textes encore insuffisants sont une amorce d'un "code de la coutume" que tout le monde appelle de ses vœux mais que l'imprécision des règles, leur différence selon les ères d'application rend difficile à réaliser.

III LES ASPECTS SOCIOLOGIQUES DE LA COUTUME

Si l'on a consacré juridiquement la coutume, c'est qu'elle représente une réalité sociologique incontournable qui s'affirme avec vigueur et avec constance dans la vie sociale des groupes qui s'y réfèrent.

On peut s'étonner que les autorités coloniales de la Polynésie française n'en ait pas tenu compte.

On peut constater qu'à Rapa, île éloignée et peu fréquentée de la Polynésie Française, donc peu administrée, les habitants continuent à vivre selon la coutume et ne connaissent de ce fait aucun problème de foncier.

Cette réalité sociologique se traduit par:

(1) Un mode de production domestique,
(2) Un mode de vie collectif (clan, tribus, districts),
(3) Un mode de tenure foncière liée à l'enracinement territorial et géologique.

Les chefs de clan attribuent des parcelles à chaque membre en fonction de sa condition et de ses besoins. L'attributaire n'a qu'un droit de superficie. Ceci entraîne pour conséquence, l'apparition d'un caractère identitaire et protecteur, la reconnaissance de la prééminence du groupe sur l'individu, de l'homme sur la femme, et l'accès coutumier aux biens d'autrui, fondé sur la fraternité, la solidarité, la notion de communauté.

IV ASPECT JURIDIQUE DE LA COUTUME

Non seulement la coutume s'exerce entre les individus et leur groupe d'appartenance mais s'exerce également à travers le règlement des litiges ou dans la répression des délits.

A Dans les affaires familiales

1 Touchant à la naissance, l'adoption

Il s'agit d'une institution assimilable à l'adoption plénière qui fait passer l'adopté dans le clan de l'adoptant, le coupant définitivement du clan originaire, ce qui peut entraîner des conflits entre les clans concernés. Si l'adopté a renoncer à son statut particulier, un litige pourra naître quant au statut applicable à l'adopté.

2 Touchant au mariage

Cette institution est coutumière, le résultat de deux clans qui veulent resserrer leurs liens. Cependant il peut être défait par le consentement mutuel des deux époux, (seule option possible) sur simple déclaration à la mairie. En cas de désaccord entre les époux quant à la rupture du mariage, l'un d'eux peut saisir la juridiction judiciaire.

B Dans les affaires foncières

La notion de propriété n'est pas celle du Code Civil qui en fait un droit de jouissance et de disposition absolue (article 554 CC). Les règles du droit foncier Kanak sont sensiblement les mêmes que celles qui ont prévalu en Polynésie Française avant et pendant la première phase de la colonisation.

Il est bon toutefois de rappeler que le caractère collectif de la propriété Kanak qui reste dépositaire de la mémoire des anciens est de ce fait unificateur des membres d'une même généalogie.

L'individu n'est donc qu'attributaire sur cette terre que d’un droit d'usage et de superficie. En cas de litige sur l'occupation d'une terre, c’est le Chef de clan avec le Conseil des Anciens qui sont saisis. En cas d'échec, il est fait appel au Chef de la tribu. En cas de nouvel échec (défaut de consensus), il est procédé à la saisine du Grand Chef qui statue souverainement, ses décisions ne pouvant faire l'objet d'aucun recours.

Le caractère collectif et sacré de la terre canaque entraîne pour conséquence son inaliénabilité, ce qui pose problèmes à deux titres:

1 Pour les investisseurs : la nécessité d'une palabre avec l’accord de tous les membres du clan et la condition sine qua non que les salariés devront être embauchés en priorité dans le clan concerné.

2 Pour les membres du clan eux-mêmes, lorsqu'ils veulent obtenir un permis de construire, un prêt bancaire, la délibération 28 octobre 1970 prise après avis des autorités coutumières, prévoit :
(1) Pour la constitution de lots individuels en vue de la construction - La demande est soumise à autorisation préalable des autorités coutumières pour l'affectation de la terre avec palabres authentifiées par procès-verbal du syndic (gendarmerie).
(2) L'affectation d'un lot à celui qui veut construire est soumise à la même procédure - Le procès-verbal du syndic est signé par le président du Conseil des Anciens ou par le Chef de tribu et doit ensuite être enregistré auprès des services de l'enregistrement et constitue un titre de possession permanente.
(3) Modalités d'emprunt et de remboursement (crédit)

À défaut de sûretés réelles (hypothèques), la banque dispose d’une sûreté personnelle sur un ou deux membres du clan (cautions) auquel appartient l’emprunteur.

Autorisation par le chef du clan ou du sous-clan.

Agrément des cautions.

La caution co-débitrice appartient nécessairement au même clan que celui de l’emprunteur, de surcroît en cas de défaillance de l'emprunteur, la caution pourra se voir attribuer le lot et la construction qui y est édifiée.


[*] Ancien Magistrat.


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