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Guiselin, Emmanuel-Pie --- "Les Elections a l'Assemblee de la Polynesie Francaise" [2004] VUWLawRw 19; (2004) 35(2) Victoria University of Wellington Law Review 505


LES ELECTIONS à L'ASSEMBLéE DE LA POLYNéSIE FRANçAISE: DE NOUVELLES RèGLES ELECTORALES

Emmanuel-Pie Guiselin[*]

La loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française réforme sur deux points essentiels les règles de l'élection de l'assemblée de la nouvelle «collectivité d'outre-mer». Elle fait passer le nombre de circonscriptions électorales de cinq à six tout en procédant à une nouvelle répartition des sièges. Surtout, le législateur organique instaure un mode de scrutin «mixte», en combinant la représentation proportionnelle, jusqu'alors exclusivement applicable, avec une forte prime majoritaire. La hauteur de la prime, un tiers des sièges à pourvoir dans chaque circonscription, en fait un élément structurant de la représentation.

The law of 27 February 2004 about the new status of French Polynesia modifies two important points of the electoral rules for appointing the islands’ governing assembly. This law increases the number of constituencies from five to six and has a new method of allocating seats. Most importantly, the law creates a new voting system with a mixture of proportional and first-past-the-post representation. The size of the first-past-the-post representation, one third of the seats, makes this change very important.

Nouveau statut de la Polynésie française, nouvelles règles électorales... S'écartant d'une définition jusqu'alors distincte du régime électoral – dans la loi du 21 octobre 1952[1] le législateur organique a choisi de l'intégrer de plain-pied dans l'édifice statutaire: la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.[2] Aussi, tout en précisant les principaux vecteurs institutionnels de l'autonomie de cette «collectivité d'outre-mer» – nouvelle catégorie juridique de collectivité instaurée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et objet d'un article 74 entièrement réécrit[3] – le législateur organique a entendu redéfinir de façon substantielle les principes de composition et les modalités de formation de l'assemblée de la Polynésie française.

A l'origine, cependant, le projet de loi organique déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat[4] et présenté au nom du Premier ministre par Madame Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, se contentait de reprendre les grandes lignes du mode de scrutin en vigueur depuis 1946: élection de l'assemblée au suffrage universel direct, découpage de la Polynésie en cinq circonscriptions électorales, maintien de la répartition des sièges déterminée par la loi organique du 15 janvier 2001,[5] application à l'unique tour de scrutin dans chaque circonscription de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ... Seule une novation significative était consentie par les rédacteurs du projet: le relèvement à 10% des suffrages exprimés, au lieu des 5 pour cent exigés antérieurement, du seuil exigé pour participer à la répartition des sièges. Mais cette transposition à droit quasi-constant dans le nouveau statut des règles figurant jusqu'alors dans la loi du 21 octobre 1952 ne devait pas résister à l'examen parlementaire. En dépit de la déclaration d'urgence prononcée par le gouvernement à l'égard des deux projets de loi soumis au Parlement, les règles électorales firent l'objet d'une attention toute particulière des parlementaires. Au fil des débats, au Sénat, à l'Assemblée nationale, puis dans le cadre des travaux de la commission mixte paritaire, leur révision constitua même le principal point de friction entre la majorité et l'opposition.

L'influence des modes de scrutin sur la structuration de la représentation n'est plus à démontrer, il est vrai. Il suffit à cet égard de considérer la composition des conseils régionaux issus des élections des 21 et 28 mars 2004, et les majorités absolues dégagées à l'issue du second tour, pour mesurer la logique majoritaire du nouveau mode de scrutin mixte initié par la loi du 19 janvier 1999 et confirmé par la loi du 11 avril 2003. S'inspirant de ce modèle métropolitain, et en revendiquant la filiation, le sénateur Gaston Flosse, par ailleurs Président du gouvernement de Polynésie, proposa en première lecture d'instituer une prime majoritaire d'un tiers des sièges. La spécificité polynésienne requérait toutefois le maintien du découpage en plusieurs circonscriptions. Mais aux lieu et place des cinq circonscriptions retenues sans discontinuer depuis 1946, Gaston Flosse proposa une nouvelle carte électorale découpant les «Tuaomotu et Gambier» en deux circonscriptions, les «îles Tuamotu de l'Ouest» et les «îles Gambier et Tuamotu de l'Est», prenant place aux côtés des quatre autres circonscriptions, aux limites inchangées: les «îles du Vent», les «îles Sous-le-Vent», les «îles Marquises» et les «îles Australes». Ce découpage fut aussi l'occasion de revoir la répartition des sièges entre les circonscriptions afin de tenir compte des évolutions démographiques constatées à l'occasion du recensement de décembre 2002.[6] En l'espace de six ans, en effet, confirmant son extraordinaire vitalité démographique, la Polynésie est passée de quelque 220 000 habitants à plus de 245 000. Il importait donc de tenir compte des évolutions démographiques, différenciées suivant les archipels, et, en tout état de cause, de prendre acte de la modification de la carte électorale.

Ces deux modifications – prime majoritaire, scission des «Tuamotu et Gambier» – devaient emporter sans difficulté l'adhésion du gouvernement et du groupe majoritaire, l'Union pour un mouvement populaire. Les autres sensibilités politiques représentées au Parlement, UDF comprise, s'opposèrent en revanche nettement aux modifications électorales proposées, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, l'opposition ne manqua pas de dénoncer les conditions d'urgence et de précipitation dans lesquelles les deux projets de loi organique et ordinaire avaient été soumis au Parlement. Les modifications électorales importantes décidées en séance plénière au Sénat, sans que ni le Conseil d'Etat ni l'assemblée de Polynésie n'aient pu, sur cette question essentielle, donner leur avis, lui parurent «excéd[er] les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement».[7] Elle ne manqua pas encore de relever l'absence de consultation préalable de la population polynésienne, certes non obligatoire,[8] mais à rebours de l'esprit de démocratie participative promu par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et le projet de loi organique lui-même.[9]

Sur le fond, le changement des règles électorales, en l'absence de tout problème de gouvernance – le parti majoritaire, le Tahoera'a, disposant de 28 sièges sur 49 à l'issue des élections territoriales du 6 mai 2001 – a paru dicté par de pures considérations électoralistes, le renforcement de la représentation du parti dominant par le jeu de la prime majoritaire remettant par ailleurs en cause la représentation significative des oppositions au sein de l'assemblée de Polynésie. L'hypothèse d'une dissolution ad nutum, consécutive à la promulgation du nouveau statut, fut également évoquée dans le courant des débats parlementaires comme suite probable du changement de la règle électorale... Cette hypothèse devait effectivement se vérifier peu après lorsque le Président de la République, saisi d'une demande en ce sens du conseil des ministres de la Polynésie française,[10] décida par décret du 2 avril 2004 de dissoudre l'assemblée polynésienne et de convoquer les électeurs pour de nouvelles élections, le 23 mai suivant.[11]

Vivement critiquées – le parti socialiste décelant une «dissolution de convenance» et dénonçant «un dévoiement sans précédent des institutions»[12] – ces péripéties post-statutaires n'en font pas moins partie de la vie politique et institutionnelle. On peut concevoir que les autorités locales aient souhaité remettre à zéro les compteurs politiques à la suite de la promulgation du nouveau statut. Au demeurant, la Grande-Bretagne nous a habitué depuis longtemps aux dissolutions d'opportunité, sans que la classe politique d'outre-Manche y trouve à redire. Les institutions de la Vème République se sont elles-mêmes inscrites dans ce cas de figure, avec la dissolution de 1997, pour le plus grand profit de l'opposition de l'époque qui revint au pouvoir à la faveur des élections législatives défavorables à la majorité sortante RPR-UDF.

L'essentiel, pour le juriste, est ailleurs. Une fois validé le bien-fondé des précisions ou adaptations accompagnant habituellement toute refonte électorale[13] et confirmé le maintien des principes structurants de l'élection de l'assemblée polynésienne –l'organisation des élections au suffrage universel direct dans le cadre de plusieurs circonscriptions, un scrutin de liste à un tour sans panachage ni vote préférentiel,[14] le renouvellement intégral tous les cinq ans d'une assemblée dont les membres sont rééligibles –deux points méritent de retenir l'attention pour apprécier le bien fondé de la réforme électorale opérée par le législateur organique de 2004: le découpage électoral et le nouveau mode de scrutin. Avec en toile de fond la double interrogation suivante: les nouvelles dispositions contribuent-elles au supplément de démocratie et d'efficacité qu'on est en droit d'attendre? Prennent-elles suffisamment en considération la profonde spécificité du territoire polynésien: 118 îles réparties en plusieurs archipels et disséminées sur une surface d'océan pacifique équivalente au territoire européen?

Le nouveau découpage électoral conduit d'abord à s'interroger sur la pertinence de la division des «Tuamotu-Gambier» en deux circonscriptions: les «îles Tuamotu de l'Ouest» et les «îles Gambier et Tuamotu de l'Est». Le nombre de sièges attribué à chacune des six circonscriptions ayant été redéfini, il y a lieu aussi d'apprécier si le principe d'égalité devant le suffrage s'en trouve mieux respecté, notamment au regard des récentes évolutions démographiques, du recensement de 1996, base de la répartition de 2001, à celui de 2002. Une démarche analogue nous avait guidés concernant la précédente répartition des sièges définie par la loi organique du 15 janvier 2001.[15]

Plus fondamentalement encore, le nouveau mode de scrutin, applicable dans chaque circonscription, apparaît tributaire d'une prime majoritaire équivalente à un tiers des sièges à pourvoir pour la liste arrivée en tête à l'unique tour de scrutin, deux tiers des sièges restant distribués à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. La nature du mode de scrutin paraît donc dictée par le passage d'une proportionnelle quasi-intégrale à un scrutin mixte. Mais, de façon plus fine, il reste à apprécier la part de la logique majoritaire et donc le niveau de la prime au regard de l'objectif affiché de «constituer une majorité de gouvernement». Il convient aussi de considérer la mesure dans laquelle la part proportionnelle permet de respecter – singulièrement dans les quatre circonscriptions dotées de la représentation minimale de trois sièges – le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions, «fondement de la démocratie».[16] Par ailleurs, la fixation d'un seuil d'accès à la répartition des sièges – 3 pour cent des suffrages exprimés en définitive, après de longs palabres parlementaires – a-t-elle un sens, singulièrement dans les deux circonscriptions de l'archipel de la Société, les «îles du Vent» et les «îles Sous-le-Vent»? En bref, quelle part les principaux ressorts du nouveau mode de scrutin mixte laissent-ils à la représentation des partis d'opposition, qu'ils soient ou non indépendantistes? Au regard de la configuration éclatée du système de partis polynésien, l'efficacité électorale induite par la prime majoritaire respecte-t-elle suffisamment l'égalité entre électeurs ou candidats? Autant de questions qui permettent de jauger de la pertinence de la réforme, validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 février 2004,[17] mais dont les élections du 23 mai 2004 permettront d'apprécier les effets concrets.

Mesurés à l'aune démocratique, les deux principaux leviers de la réforme électorale permettent de porter une appréciation nuancée. Le nouveau découpage électoral et la redistribution des sièges à pourvoir paraissent contribuer à une meilleure représentation des populations et des territoires polynésiens; en ce sens, ils contribuent à approfondir l'égalité dans la représentation du suffrage. (I). A l'inverse, le mode de scrutin retenu semble remettre en cause ce même principe d'égalité, compte tenu de la hauteur de la prime majoritaire et de sa généralisation à l'ensemble des circonscriptions. De telle sorte, qu'au total, le bilan coûts-avantages apparaît défavorable à la démocratie électorale (II).

I LE DECOUPAGE ELECTORAL AU SERVICE DE L'EGALITE DEVANT LE SUFFRAGE

La révision limitée de la carte électorale (A) et la nouvelle répartition des sièges par circonscription (B) doivent être appréciées en premier lieu, essentiellement à travers le prisme de l'égalité dans la représentation du suffrage.

A La Révision Limitée de la Carte Électorale

Précisés d'emblée par l'article 1er de la loi organique portant statut d'autonomie, les contours de la Polynésie française permettent d'identifier six groupes d'îles: les îles du Vent, les îles Sous-le-Vent, les îles Tuamotu, les îles Gambier, les îles Marquises et les îles Australes. La mention des «espaces maritimes adjacents» complète cette identification, qui, comme dans le statut de 1996,[18] ne fait pas faire apparaître la notion d' «archipel», pourtant intrinsèquement liée à la géographie des territoires polynésiens et de leurs populations. Dans le nouveau statut, cependant, il a été décidé de mentionner distinctement les «îles Tuamotu» d'une part, les «îles Gambier» de l'autre, quand le statut de 1996 mentionnait d'un même mouvement ces deux groupes d'îles comme formant un seul ensemble, les «îles Tuamotu et Gambier».

Ces partis pris terminologiques ne sont pas sans conséquences. Ils anticipent d'abord sur le maintien du principe du découpage de la carte électorale polynésienne en plusieurs circonscriptions. A aucun moment, dans le courant des travaux préparatoires au nouveau statut, en décembre 2003 et en janvier 2004, il n'a été envisagé d'adopter une circonscription unique pour l'élection des «représentants à l'assemblée de Polynésie».[19] La proposition de loi organique présentée en ce sens par Emile Vernaudon sous la onzième législature[20] n'est donc plus qu'un mauvais souvenir. S'il était besoin, l'institution pour les élections régionales de sections départementales au sein de listes présentées à l'échelle de la région et le découpage du territoire français en huit grandes circonscriptions pour les élections européennes[21] confirme le besoin de territorialisation des modes de scrutin et la nécessité de rapprocher les élus des populations. Cette territorialisation s'impose a fortiori pour la Polynésie française, dont les différents groupes d'îles, très éloignés les uns des autres, doivent pouvoir bénéficier d'une représentation spécifique à l'assemblée locale.

En second lieu, la confirmation de l'abandon de la notion d'archipel apparaît logique dès lors que, depuis 1946, l'archipel de la Société, situé au centre de la Polynésie, a été scindé en deux groupes d'îles, les «îles du Vent» et les «îles Sous-le-Vent», afin de permettre une représentation plus équilibrée à l'assemblée des populations et des territoires. L'article 104 de la loi organique du 27 février 2004 qui précise la nouvelle carte électorale se contente dès lors de renvoyer à la notion de «circonscriptions électorales» et à celle d' «îles».

Surtout, et de façon plus novatrice, la rédaction retenue par le projet de loi organique, en identifiant séparément les «îles Tuamotu» et les «îles Gambier» «ouvre la voie à une évolution possible et à la création d'une sixième circonscription [électorale]».[22] Pressentie en ces termes par le rapporteur des projets de loi au Sénat, Lucien Lanier, cette création n'a pas été concrétisée immédiatement. Le projet de loi organique déposé par le Gouvernement[23] se contentait en effet de reprendre les cinq circonscriptions existantes, tout en précisant pour la première fois leur composition par la mention des communes les constituant. Ce n'est qu'à la suite d'un amendement présenté en séance par Gaston Flosse, à l'occasion de l'examen des projets en première lecture par le Sénat,[24] que fut décidée la subdivision des «Tuamotu et Gambier» en deux circonscriptions: «la circonscription des îles Tuamotu de l'Ouest» et «la circonscription des îles Gambier et Tuamotu de l'Est». Dans le même temps, la configuration des quatre autres circonscriptions restait inchangée.

De populations sensiblement comparables – 8777 habitants pour «les îles Tuamotu de l'Ouest» et 7196 habitants pour «les îles Gambier et Tuamotu de l'Est», suivant les résultats du recensement de 2002 – les deux nouvelles circonscriptions regroupent à elles deux une soixantaine d'îles ou d'atolls et 17 des 48 communes de la Polynésie. Leur création a été justifiée par plusieurs considérations. La principale, relayée autant par les parlementaires polynésiens que par la ministre en charge de l'outre-mer, Brigitte Girardin, a consisté à mettre en avant «la nécessité de rapprocher les élus des électeurs»,[25] quand l'ancienne circonscription des «Tuamotu et Gambier» s'étendait sur plus de 2000 kilomètres de longueur. Députée de Polynésie, Brigitte Vernaudon insista notamment sur l'opportunité de «permettre aux habitants des Tuamotu de pouvoir côtoyer plus souvent leurs élus, car il est nécessaire dans un contexte d'évolution rapide, de faire remonter les besoins de la population».[26] Autre justification: la conformité du nouveau découpage avec la politique d'aménagement du territoire promue par le gouvernement de la Polynésie française. En ce sens, Gaston Flosse ne manqua pas de relever qu'avaient été développés sur les «Tuamotu et Gambier» deux centres administratifs principaux: l'un, au nord-ouest de l'archipel, sur l'atoll de Rangiroa, l'autre, au sud-est, sur l'atoll de Hao, ancienne base arrière du Centre d'expérimentation du Pacifique.[27] Au surplus, furent encore invoqués l'unité économique et culturelle entre les deux groupes d'îles,[28] le souhait d'une représentation séparée exprimé par l'assemblée de la Polynésie française elle-même dans son avis du 2 juillet 2003,[29] la revendication en ce sens des populations concernées, notamment aux îles Gambier... .[30]

Il est enfin un dernier argument qui vient conforter le bien-fondé de la partition des «Tuamotu et Gambier». Les deux nouvelles circonscriptions, en étant dotées de la représentation minimale de trois sièges – par ailleurs accordée aux archipels périphériques des Marquises et des Australes – réalisent une avancée du principe d'égalité du suffrage. Ce que confirme l'analyse de la nouvelle répartition des sièges entre les six circonscriptions.

B La Nouvelle Répartition des Sièges entre Circonscriptions

Affirmé telle une évidence par l'article 3 de la Constitution, le principe d'égalité du suffrage emporte une double signification: l'égalité dans l'expression et dans la représentation du suffrage. La loi organique du 27 février 2004 touche à l'un et à l'autre de ces aspects. En supprimant la condition de résidence en Polynésie de deux années au moins avant l'élection qui était jusqu'alors imposée comme condition d'éligibilité à l'assemblée territoriale, le législateur organique a d'abord permis d'approfondir l'égalité dans l'expression du suffrage, à l'opposé de la limitation draconienne du droit de suffrage en Nouvelle-Calédonie.[31] Mais, plus fondamentalement, c'est l'égalité dans la représentation du suffrage qui est une nouvelle fois revisitée par le législateur.

On sait que, de ce point de vue, lorsque plusieurs circonscriptions électorales sont dessinées pour une même élection –configuration retenue pour l'élection de l'assemblée de la Polynésie française –l'électeur d'une circonscription doit disposer d'un suffrage qui «pèse» d'un poids égal à celui de l'électeur d'une autre circonscription. Cet objectif est atteint lorsque le ratio élu / population est sensiblement le même d'une circonscription à l'autre. Cette exigence d'un suffrage égal est parfaitement traduite dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Sa décision du 10 janvier 2001, Equité des élections à l'assemblée de la Polynésie française,[32] affirme ainsi le «principe selon lequel une assemblée élue au suffrage universel direct doit l'être sur des bases essentiellement démographiques». Toutefois, sauf à promouvoir un découpage qui ferait fi des données géographiques, territoriales et de peuplement, ce principe ne peut s'interpréter strictement comme devant conduire à un ratio élu / population rigoureusement identique entre les circonscriptions. Le Conseil constitutionnel a donc logiquement admis qu'il puisse être dérogé aux «bases essentiellement démographiques» dans une mesure limitée. En Polynésie, notamment, il s'agira de «tenir compte de l'impératif d'intérêt général qui s'attache à la représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés».[33] L'égalité dans la représentation du suffrage doit donc faire l'objet d'une appréciation nuancée dès lors qu'elle est confrontée à la réalité polynésienne. Plusieurs angles d'analyse peuvent même être retenus.

La première approche consiste à s'intéresser aux écarts démographiques de représentation entre les quatre circonscriptions ou archipels «les moins peuplés et les plus éloignés». Au regard de l'archipel de la Société et de ses deux circonscriptions, les «îles du Vent» et les «îles Sous-le-Vent», qui concentrent plus de 87 pour cent de la population polynésienne, les quatre autres circonscriptions se répartissent la population restante, mais de façon relativement équilibrée.[34] Les «îles Tuamotu de l'Ouest» comptaient 8777 habitants au recensement de décembre 2002, répartis sur cinq communes. La population des six communes des «îles Marquises» s'élevait à 8712 habitants. Les deux dernières circonscriptions périphériques, en reflux démographique par rapport au précédent recensement de 1996, comptaient 7196 habitants pour les «îles Gambier et Tuamotu de l'Est» (12 communes) et 6386 habitants pour l'archipel des «Australes» (5 communes).

Chacune de ces quatre circonscriptions a été dotée de la représentation minimale de trois sièges instituée par le législateur organique de 2004. Désormais, en effet, suivant l'article 104, alinéa 3, «chaque circonscription dispose d'un minimum de représentation. Ce minimum est fixé à trois sièges». Ainsi défini, ce plancher permet d'obtenir les ratios et les écarts démographiques de représentation suivants pour les quatre circonscriptions considérées:

«îles Australes»: un élu pour 2128 habitants;
«îles Gambier et Tuamotu de l'Est»: un élu pour 2398 habitants (soit un écart démographique de représentation de 1.12 – ou 12 pour cent – par rapport à l'archipel des Australes, bénéficiaire du ratio le plus favorable);
«îles Marquises»: un élu pour 2904 habitants (soit un écart démographique de représentation de 1.36 – ou 36 pour cent – par rapport à l'archipel des Australes);
«îles Tuamotu de l'Ouest»: un élu pour 2925 habitants (soit un écart démographique de représentation de 1.37 – ou 37 pour cent – par rapport à l'archipel des Australes).

L'amélioration par rapport à la répartition précédente est notable. Au vu des résultats du recensement de 1996, la loi organique du 15 janvier 2001 aboutissait à un écart démographique de représentation de 1,75 entre l'archipel des «Australes», bénéficiaire du ratio le plus favorable (3 sièges pour une population de 6563 habitants) et la circonscription des «Tuamotu et Gambier» (4 sièges pour une population de 15370 habitants). Après les résultats du recensement de 2002, l'écart démographique de représentation entre les deux mêmes circonscriptions était même porté à 1.87, soit 87 pour cent. Le nouvel écart de 1.37, cette fois entre les Australes et les «Tuamotu de l'Ouest» réalise donc incontestablement un progrès, de même que la prévision d'un seuil minimal de représentation de trois sièges. Le Conseil constitutionnel le reconnaîtra sans peine dans sa décision du 12 février 2004: le «nouveau découpage électoral, qui a pour effet de réduire les disparités démographiques entre circonscriptions, tout en tenant compte de l'intérêt général qui s'attache à la représentation des archipels éloignés, n'appelle pas de critique de constitutionnalité».[35] On peut aussi espérer que la représentation significative de chacune des quatre circonscriptions à l'assemblée de la Polynésie française permettra une meilleure défense de leurs intérêts respectifs.

La seconde approche consiste à apprécier les ratios élu / population et les écarts démographiques de représentation sur l'ensemble des six circonscriptions électorales. Avec la loi du 27 février 2004, les deux circonscriptions de l'archipel de la Société ont été dotées d'une représentation accrue, mais dans des proportions variables tenant compte de leur importance démographique respective. Les «îles du Vent», avec 13 communes et 184 224 habitants, selon les chiffres du recensement de 2002, ont vu leur représentation passer de 32 à 37 membres, soit un ratio d'un élu pour 4979 habitants, sensiblement comparable au ratio déterminé à l'occasion des travaux préparatoires de la loi organique du 15 janvier 2001: un élu pour 5083 habitants.[36] Quant à la circonscription des «îles Sous-le-Vent»,[37] elle a récupéré son huitième siège, perdu à l'occasion de la répartition de 2001. L'évolution de sa population – de 26838 à 30221 habitants, du recensement de 1996 à celui de 2002 – et l'attribution d'un huitième siège se sont traduites par une relative stabilisation du ratio élu / population: 3834 habitants pour un élu en 2001 au vu des résultats du recensement de 1996, 3777 en 2004 au vu des résultats du recensement de 2002. Quant à l'évolution des écarts démographiques de représentation par rapport à l'archipel bénéficiant du ratio le plus favorable, les Australes, elle peut être considérée de deux façons. D'une intervention du législateur organique à l'autre, ces écarts sont restés quasiment inchangés: passant de la répartition de 2001 à celle de 2004 de 2,32 à 2,33 pour «les îles du Vent» et de 1,75 à 1,77 pour les «îles Sous-le-Vent». Mais, en l'absence d'intervention du législateur de 2004, et en considérant les résultats du recensement de 2002, la répartition des sièges opérée par la loi organique du 15 janvier 2001 aurait conduit à des écarts de 2,70 pour les «îles du Vent» et de 2,02 pour les «îles Sous-le-Vent». On peut donc dire que la loi organique du 27 février 2004, en attribuant de nouveaux sièges aux deux circonscriptions de l'archipel de la Société, a permis un retour aux équilibres définis en 2001.[38]

Seule ombre au tableau: la stabilisation des écarts démographiques de représentation s'est faite au prix d'une augmentation de l'effectif global des membres de l'assemblée. Celui-ci est passé de la répartition de 2001 à celle de 2004 de 49 à 57 sièges.[39] On peut comprendre la nécessité d'assurer par cette augmentation «une représentation plus équilibrée du territoire» prenant en compte les évolutions démographiques. On peut aussi prendre acte de la comparaison avec l'effectif de 54 membres du Congrès de Nouvelle-Calédonie, pour une population inférieure, de l'ordre de 200 000 habitants. Il reste qu'au regard du niveau élevé de rémunération des membres de l'assemblée de Polynésie française, quelque 7000 € mensuel,[40] les huit sièges supplémentaires se traduiront par un accroissement significatif des coûts de fonctionnement de l'institution. L'augmentation des effectifs ne pourra donc se poursuivre indéfiniment au gré de l'évolution de la démographie polynésienne.

Il reste donc à réfléchir à la définition d'une méthode de répartition des sièges entre les six circonscriptions polynésiennes, qui puisse se faire à l'avenir à effectif global inchangé de 57, qui tienne compte ensuite du principe d'égalité du suffrage et donc des évolutions démographiques, souvent différenciées entre les archipels, qui respecte enfin la nécessité d'une «représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés». Quadrature du cercle? ... Il semble pourtant que la méthode suivante puisse être proposée. Sur les 57 sièges à pourvoir, deux sièges seraient attribués de droit à chacune des six circonscriptions, afin notamment de permettre la représentation significative des circonscriptions périphériques. Les 45 autres sièges pourraient être répartis entre toutes les circonscriptions, en fonction de leur population respective, à la proportionnelle à la plus forte moyenne – si l'on souhaite avantager la représentation de la circonscription la plus peuplée – ou au plus fort reste – si l'on souhaite favoriser une meilleure représentation des circonscriptions périphériques. En prenant pour base les résultats du recensement de 2002, la répartition à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne donne au total 3 sièges pour chacune des quatre circonscriptions les moins peuplées, 38 sièges pour les «îles du Vent» et 7 sièges pour les «îles Sous-le-Vent».[41]

La définition préalable d'une méthode de répartition des sièges pour l'assemblée de la Polynésie française ne serait pas une première. Le principe en a déjà été retenu pour les huit grandes circonscriptions dessinées par le législateur de 2003 pour les élections européennes en France. La loi du 11 avril 2003 a prévu en effet que «les sièges à pourvoir sont répartis entre les circonscriptions proportionnellement à leur population avec application de la règle du plus fort reste».[42] En précisant que chaque circonscription de Polynésie serait dotée d'une représentation minimale de trois sièges, la loi organique du 27 février 2004 a ouvert la voie à une telle définition préalable. Mais l'avancée réalisée ne saurait constituer à elle seule une méthode globale de répartition des sièges. L'invitation est donc lancée au législateur. Mais, qu'il y réponde ou non, il se devra en tout état de cause de dresser le bilan d'un mode de scrutin qui ressort profondément rénové du nouveau statut d'autonomie.

II LE PLURALISME DE LA VIE POLITIQUE POLYNESIENNE AU RISQUE D'UN SCRUTIN MIXTE

Déterminé par la loi du 21 octobre 1952 modifiée, le mode de scrutin de l'assemblée territoriale de la Polynésie française est resté inchangé pendant plus d'un demi-siècle, sans que la classe politique locale, ni les pouvoirs publics nationaux, ne ressentent le besoin d'en changer. Pour l'essentiel, s'est appliqué, dans chacune des circonscriptions électorales, un scrutin de liste à un tour, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. La connexion un temps établie avec le mode de scrutin appliqué aux élections régionales a conduit par ailleurs à retenir le seuil de 5 pour cent des suffrages exprimés comme condition d'accès à la répartition des sièges. Au regard de ce schéma et d'une logique exclusivement proportionnelle, le législateur organique de 2004 a introduit deux changements. Il a d'abord souhaité revoir le seuil d'accès à la répartition des sièges, se déterminant in fine pour un seuil minoré de représentation (A). Plus fondamentalement, il a entendu imposer une forte prime majoritaire. De proportionnel, le mode de scrutin de l'assemblée de la Polynésie française est devenu mixte (B).

A A Fixation d'un Seuil Minoré de Représentation

Le seuil de 5 pour cent des suffrages exprimés pour pourvoir participer à la répartition des sièges dans le cadre d'un mode de scrutin proportionnel est classique en droit électoral. A titre d'exemple, et pour s'en tenir à la période récente, c'est le seuil qui a été retenu par la loi du 19 novembre 1982, dans le cadre d'un scrutin de liste à deux tours, pour les élections municipales dans les communes de 3500 habitants et plus. C'est aussi le seuil privilégié par le législateur en 1985 lorsqu'il s'est agi, dans le cadre d'un scrutin de liste à un tour, de retenir un régime exclusivement proportionnel pour les élections législatives et régionales, le département étant alors choisi comme circonscription d'élection. Le seuil de 5 pour cent des suffrages exprimés a aussi été retenu par la loi du 7 juillet 1977 pour l'élection des représentants français au Parlement européen dans le cadre d'une circonscription unique.[43] Le même seuil détermine encore, en règle générale, l'accès au remboursement forfaitaire et celui au remboursement des frais de la campagne électorale officielle.

Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que cette règle ait été transposée aux élections de l'assemblée territoriale de la Polynésie française, à l'occasion de la connexion établie en 1985 avec le mode de scrutin régional. La déconnexion opérée par la loi organique du 15 janvier 2001 entre le mode de scrutin régional, modifié en 1999, et le mode de scrutin de l'assemblée polynésienne[44] n'a pas conduit à revenir sur le seuil de répartition de 5 pour cent des suffrages exprimés. Ce seuil s'est donc appliqué à l'occasion des élections territoriales du 6 mai 2001, sans empêcher le dégagement d'une majorité absolue au profit du Tahoera'a.

Pourtant, et en l'absence de tout problème de gouvernance en Polynésie française, les travaux préparatoires à la loi organique du 27 février 2004 ont été l'occasion d'un débat assez vif sur le seuil pertinent d'accès à la répartition des sièges. D'emblée, le projet de loi a tenu à porter ce seuil à 10 pour cent des suffrages exprimés. Justifié par «le souci d'assurer une majorité stable au gouvernement»,[45] ce relèvement suscita immédiatement la critique de l'opposition sénatoriale. Le sénateur Simon Sutour, notamment, fit remarquer que ce seuil «ne permett(ait) pas d'assurer une représentation suffisante des différents courants de pensée ... et risqu(ait), à terme, de conduire à la disparition des partis d'opposition». Comparaison n'est pas raison. Mais force est de constater que, pour les élections régionales, le seuil d'accès au second tour établi par la loi du 11 avril 2003 à 10% des suffrages exprimés – seuil qui, pour les partis ne pouvant franchir ce cap du second tour, produit les mêmes effets qu'un seuil de répartition non atteint – a eu pour conséquence d'éliminer des conseils régionaux l'ensemble des formations politiques ne pouvant ou ne souhaitant pas s'inscrire dans une logique de coalition en vue du second tour. «Chasse, pêche, nature et traditions», les écologistes indépendants, l'alliance LO-LCR[46] ou des mouvements pouvant justifier localement d'une audience significative, comme «Alsace d'abord», ont été ainsi privés de toute représentation dans les assemblées régionales faute d'avoir atteint ce seuil de 10 pour cent au soir du premier tour de scrutin, le 21 mars 2004. Ils justifiaient pourtant d'une audience supérieure à 5 pour cent des suffrages exprimés, pour certains dans plusieurs régions.

Devant la persistance des critiques, résumées dans l'atteinte au pluralisme,[47] l'Assemblée nationale, à l'instigation des deux députés élus en Polynésie, Michel Buillard et Brigitte Vernaudon, décida en première lecture de fixer le seuil d'accès à la répartition des sièges à 5 pour cent des inscrits.[48] L'ouverture ainsi réalisée n'était cependant pas très significative. Compte tenu de la participation électorale couramment observée en Polynésie, un seuil de 5 pour cent des inscrits équivaut en effet à 8,5 ou 9 pour cent des suffrages exprimés. La commission mixte paritaire, réunie après la première lecture des projets de loi organique et ordinaire, fut donc amenée à reprendre les débats autour du seuil pertinent d'accès à la répartition des sièges. Après que Gaston Flosse eût proposé de supprimer tout seuil de représentativité – «dans un souci d'apaisement et afin de favoriser la pluralité des candidatures à l'assemblée de la Polynésie française»[49] – les commissaires finirent par s'accorder sur l'opportunité de maintenir le principe d'un seuil, conforme à la tradition républicaine française. Leur préférence alla vers un seuil peu élevé, 3 pour cent des suffrages exprimés, un temps applicable pour les élections régionales.[50]

Dont acte. Il reste que la question des seuils de représentativité doit être singulièrement relativisée dans le cas des élections à l'assemblée de la Polynésie française. En effet, dans les cinq circonscriptions les moins peuplées – les quatre circonscriptions dotées d'une représentation de trois sièges et les «îles Sous-le-Vent» pourvue d'une représentation de huit sièges – la présence d'un seuil d'accès à la répartition des sièges est sans effet. Pour espérer envoyer un représentant à l'assemblée, une formation devra justifier d'une audience très significative: de l'ordre de 20 pour cent des suffrages exprimés aux «îles Sous-le-Vent»[51] et de l'ordre de 30 à 35 pour cent des suffrages exprimés aux «Australes», aux «Marquises» et dans les deux nouvelles circonscriptions issues des «Tuamotu et Gambier».[52] Autant se passer de tout seuil.[53] En définitive, la fixation d'un seuil n'a de sens que dans la circonscription la plus peuplée des «îles du Vent». Compte tenu d'une prime majoritaire de 13 sièges, 24 sièges y seront pourvus à la proportionnelle. Pour espérer un élu au moins, une liste devra donc recueillir environ 4 pour cent des suffrages exprimés. Dans cette circonscription-centre, la représentation des oppositions devrait donc pouvoir trouver son terrain d'élection.

Mais la structuration de la représentation des forces politiques au sein de l'assemblée polynésienne devrait surtout dépendre du jeu de la prime majoritaire nouvellement instituée.

B La Prime Majoritaire, Élément Structurant de la Représentation

Principale novation de la réforme électorale entreprise, l'instauration d'une prime majoritaire s'appliquant dans chacune des circonscriptions électorales polynésiennes a été retenue dès l'examen du texte en première lecture par les sénateurs. Elle a été ensuite validée par le groupe majoritaire de l'Assemblée nationale et n'a, par suite, pas fait l'objet d'une discussion en commission mixte paritaire. Le principe en a donc été acquis dans les termes de l'amendement déposé par Gaston Flosse:[54] dorénavant, dans chaque circonscription, «il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au tiers du nombre de sièges à pourvoir arrondi à l'entier supérieur».[55] Une fois cette attribution opérée, «les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne» (art 105, alinéa 3 de la loi organique). Au total, sur les 57 sièges de l'assemblée polynésienne, 20 sont attribués en vertu de la prime majoritaire, soit 35 pour cent; les 37 autres continuent d'être affectés à la représentation proportionnelle. C'est donc bien un nouveau mode de scrutin «mixte» qui a été mis en place, combinant principe majoritaire et régime proportionnel.

Les modes de scrutin aux élections locales nous ont déjà habitué au jeu d'une prime majoritaire. On sait que, depuis 1982, cette prime majoritaire est de 50 pour cent des sièges – nombre arrondi à l'entier supérieur – aux élections municipales dans les communes comptant au moins 3500 habitants.[56] Par ailleurs, depuis 1999, le principe d'une prime majoritaire équivalente à un quart des sièges a été retenu pour les élections régionales, désormais organisées à l'échelle d'une circonscription unique: la région (aux lieu et place des circonscriptions départementales retenues par la loi de 1985). C'est précisément le modèle du mode de scrutin régional rénové qui inspira Gaston Flosse,[57] sous réserve du niveau de la prime – un tiers au lieu d'un quart – et des adaptations liées au contexte polynésien: un mode de scrutin à un tour et une application territorialisée de la prime, dans chacune des six circonscriptions.

De façon attendue, la volonté «de dégager une majorité homogène au sein de l'assemblée de la Polynésie»,[58] le souhait de «garantir la stabilité de la majorité»[59] ont été invoqués pour justifier l'instauration de la prime, dans un contexte d'accroissement sensible des pouvoirs de l'institution par le nouveau statut. Cet argumentaire simplifié est-il recevable? Certes, on peut admettre les bienfaits de la prime majoritaire d'un quart des sièges dans le cas des conseils régionaux, de métropole et d'outre-mer.[60] A l'issue des élections des 21 et 28 mars 2004, ces conseils, dans leur ensemble, se trouvent pourvus d'une majorité absolue, aptes à soutenir dans la durée les exécutifs régionaux. On est loin des difficultés de fonctionnement rencontrées par de nombreux conseils régionaux à l'issue des élections de mars 1998, tant dans la désignation de leurs instances dirigeantes que dans leur fonctionnement quotidien. Dans le cas de l'assemblée de la Polynésie française, en revanche, le mode de scrutin à la proportionnelle intégrale avait permis de dégager à l'issue des élections de mai 2001, une majorité absolue de 28 sièges sur 49 au profit du Tahoera'a. Par le simple jeu de la territorialisation, le mode de scrutin proportionnel appliqué en 2001 a conduit à une sur-représentation du parti majoritaire qui obtient globalement 57 pour cent des sièges avec 48 pour cent des suffrages exprimés. Comme le fera remarquer un député UDF, «il n'y a ni instabilité, ni incertitude, ni problème juridique particulier en Polynésie française du point de vue de sa gouvernance»[61]. La justification avancée par les promoteurs de la prime mérite donc d'être relativisée.

Mais il y a plus préoccupant. Les effets combinés de la territorialisation du mode de scrutin et d'une forte prime majoritaire devraient accroître encore la sur-représentation du parti majoritaire, qui devrait bénéficier de 70 à 80 pour cent des sièges. La représentation des oppositions s'en trouvera réduite d'autant. Et cela alors même que le système politique polynésien est caractérisé par une grande diversité de courants politiques, dont l'expression est parfois localisée. Peu de partis, il est vrai, accèdent à l'assemblée. Aux élections territoriales de 2001, alors qu'une quinzaine de formations étaient en lice, seuls trois partis d'opposition ont obtenu une représentation. La Tavini Huiraatira, parti indépendantiste, a emporté 13 sièges. Fetia Api, parti autonomiste, a eu sept élus, quand le parti Marquisien n'en obtenait qu'un seul dans sa terre d'élection. Mais on peut craindre que les effets induits par la prime majoritaire ne conduisent à une «bipolarisation de la vie politique polynésienne»:[62] «le mode de scrutin retenu ... vise à placer le Tahoera'a, parti de la majorité actuelle en Polynésie, et la Tavini, parti des indépendantistes, seuls l'un face à l'autre en permanence, c'est-à-dire à priver de choix toutes celles et tous ceux qui ne souhaitent pas l'indépendance mais qui voudraient changer de majorité».[63] Cette dernière appréciation peut paraître excessive. Un électeur polynésien pourra toujours voter pour la formation qui a sa préférence. Il n'en reste pas moins que la logique bipolaire induite par la hauteur de la prime risque fort de laminer, à défaut d'empêcher, la représentation des oppositions non indépendantistes. On sait ce qu'il en est des effets bipolarisants du mode de scrutin en vigueur pour l'élection des membres de la Chambre des Communes, en Grande-Bretagne. On a pu aussi observer cette logique bipolarisante aux dernières élections régionales, par l'effet conjugué du seuil de maintien au second tour et de la hauteur de la prime.

Or il n'est pas certain que ce qui vaut à l'échelle d'un pays ou d'une région française vaille pour une collectivité d'outre-mer aussi spécifique que l'est la Polynésie. A l'instar de ce qui se pratique en Nouvelle-Calédonie, pour l'élection des membres du Congrès et des assemblées de province, le mode de scrutin a vocation à permettre une représentation équilibrée des territoires et des populations, dans la diversité de l'expression des différentes sensibilités politiques. Il n'est pas certain que la réforme électorale opérée en 2004 y contribue. La décision du Conseil constitutionnel du 12 février 2004 est éclairante à cet égard. Tout en délivrant sur ce point au législateur organique un brevet de constitutionnalité, la motivation retenue n'en a pas moins une forte valeur pédagogique et laisse percer en filigrane une once de critique. Le Conseil rappelle ainsi que «s'il est loisible au législateur, lorsqu'il fixe des règles électorales, d'arrêter des modalités tendant à favoriser la constitution d'une majorité stable et cohérente, toute règle qui, au regard de cet objectif, affecterait l'égalité entre électeurs ou candidats dans une mesure disproportionnée méconnaîtrait le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions lequel est un fondement de la démocratie».[64] Ceci posé, le Conseil valide le mécanisme de la prime majoritaire, mais il le fait dans le cadre d'une démarche d'ensemble intégrant le seuil minoré de représentation et après exercice d'un contrôle de disproportionnalité manifeste: «ces modalités ne portent pas au pluralisme des courants d'idées et d'opinions une atteinte manifestement excessive au regard de l'objectif recherché». Il n'est pas certain que le résultat du contrôle eût été le même avec un seuil de représentation maintenu à 10 pour cent des suffrages exprimés ou une prime majoritaire supérieure.

Est-ce à dire qu'il faille condamner en Polynésie tout mécanisme de prime majoritaire? Ou qu'il faille déterminer une prime d'un très faible niveau, comme pour l'élection des conseillers de l'assemblée de Corse?[65] Nous ne le pensons pas. Simplement, il eut été plus opérant pour la vigueur du pluralisme de la vie politique polynésienne, d'en limiter l'application à la circonscription la plus peuplée, celle des «îles du Vent».[66] Une prime majoritaire d'un quart des sièges dans cette circonscription, soit 10 sièges sur 37, aurait suffit à apporter à l'une des formations politiques une majorité absolue à l'assemblée. A fortiori avec une prime majoritaire d'un tiers, soit 13 sièges et près de 23 pour cent du total des sièges. En revanche, la prime majoritaire se comprend nettement moins dans les circonscriptions les moins peuplées.[67] Là, il convient de laisser jouer intégralement le mécanisme de la représentation proportionnelle, sauf à nier l'expression locale du «pluralisme des courants d'idées et d'opinions».

En Polynésie française, le pluralisme de la vie politique est désormais confronté aux risques d'un scrutin mixte à dominante fortement majoritaire. L'avenir démocratique s'écrira avec – et après – les élections du dimanche 23 mai 2004. Au regard du calendrier de rédaction de cet article, le lecteur nous pardonnera de ne pas en évoquer les résultats. Rennes, le 16 avril 2004.


[*] Maître de conférences en droit public à l'Université de Bretagne-Sud.

[1] Loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française.

[2] L org n° 2004-192, JO des 1 et 2 mars 2004, 4183-4213. La loi org est complétée par une loi ord n° 2004-193 du même jour, ibid, 4213-4220.

[3] L'article 74 nouveau détermine le régime constitutionnel des «collectivités d'outre-mer», notamment en précisant le champ d'intervention du législateur organique et en identifiant, «pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie», les principes spécifiques qui leur sont applicables. Sont désormais considérées comme des «collectivités d'outre-mer»: la Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, et, depuis les consultations organisées le 7 décembre 2003, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

[4] Conformément à la nouvelle règle constitutionnelle, inscrite à l'article 39 modifié de la Constitution, et accordant une priorité d'examen ciblée à la seconde chambre: «Les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales ... sont soumis en premier lieu au Sénat».

[5] Loi org n° 2001-40 du 15 janvier 2001 destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française, JO du 16 janvier 2001, 783.

[6] Les résultats de ce recensement propre à la Polynésie française ont été publiés par décret n° 2003-725 du 1er août 2003, JO des 4 et 5 août 2003, 13481-13484.

[7] Observations sur la loi organique, JO des 1 et 2 mars 2004, 4230.

[8] En ce sens, cf intervention de B Girardin, JO Déb AN, 2e séance du 13 janvier 2004, 285.

[9] Sur le nouveau cadre légal de la démocratie participative en Polynésie française, v le chap V: «Participation des électeurs à la vie de la collectivité» – du titre IV de la loi organique du 27 février 2004.

[10] Délibération du 24 mars 2004 par laquelle le conseil des ministres de la Polynésie française a demandé la dissolution de l'assemblée, comme l'article 157, alinéa 2 de la loi organique du 27 février 2004 lui en ouvre la possibilité: «L'assemblée de la Polynésie française peut également être dissoute, par décret du Président de la République délibéré en conseil des ministres, à la demande du gouvernement de la Polynésie française». Si cette hypothèse de dissolution, à l'initiative des autorités locales, n'a à faire l'objet d'aucune motivation explicite, il n'en va pas de même de l'autre hypothèse de dissolution de l'assemblée polynésienne, à l'instigation des seules autorités métropolitaines: «Lorsque le fonctionnement des institutions de la Polynésie française se révèle impossible, l'assemblée de la Polynésie française peut être dissoute par décret motivé du Président de la République délibéré en conseil des ministres, après avis [simple] du Président de l'assemblée de la Polynésie française et du président de la Polynésie française» (art 157, al 1er de la loi org). C'est nous qui soulignons pour bien marquer la différence de régime juridique entre les deux cas de dissolution. Le premier cas évoqué s'apparente mutatis mutandis à la dissolution discrétionnaire de l'Assemblée nationale prévue par l'article 11 de la Constitution, sous la réserve importante que le décret de dissolution de l'assemblée de la Polynésie française doive faire l'objet d'une délibération en conseil des ministres. Cette dernière précision n'est pas sans conséquences en période de cohabitation et empêche de faire de cette prérogative présidentielle un pouvoir propre.

[11] Décret du 2 avril 2004 portant dissolution de l'assemblée de la Polynésie française et fixant la date des élections en vue de son renouvellement, JO du 3 avril 2004, p 6535.

[12] Le Monde du 8 avril 2004.

[13] Parmi elles, il y a lieu de retenir: l'application stricte du principe paritaire, chaque liste devant être «composée alternativement d'un candidat de chaque sexe» (art 106, al 1er de la loi org. du 27 février 2004); la composition de listes comportant «un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir, augmenté du même nombre que le nombre de sièges à pourvoir, dans la limite de dix» (art 106, al 2); l'interdiction des candidatures multiples (art 106, al 3); la précision du calendrier électoral en cas de renouvellement intégral de l'assemblée de la Polynésie française (art 107 I) et du régime électoral en cas de renouvellement partiel (art 107 II); l'abaissement de l'âge d'éligibilité de 21 ans à 18 ans, conformément à une règle déjà applicable aux élections municipales et, depuis la loi du 5 avril 2000, aux élections cantonales et régionales (art 108); la suppression de la condition de résidence en Polynésie de deux années au moins avant l'élection pour pouvoir être éligible; la détermination du régime des inéligibilités et de celui des incompatibilités (art 109, 111 et 112); la précision du régime contentieux et notamment de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort pour connaître du contentieux des élections (art 116 et 117).

[14] Ce qui emporte pour l'électeur l'impossibilité d'ajouter ou de supprimer des noms, de même que l'impossibilité de modifier l'ordre de présentation des candidats sur une liste, sauf à ce que son bulletin soit considéré comme nul.

[15] V cette revue, vol 9, année 2003, notre chronique de jurisprudence constitutionnelle analysant la répartition des sièges issue de la loi org du 15 janvier 2001 et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, 153-183.

[16] Cons constitutionnel, décision n° 89-271 DC du 11 février 1990, considérant n° 11, rec, 21.

[17] Décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004, JO des 1er et 2 mars 2004, 4220 et s V les considérants n° 82 à 85 de la décision.

[18] Art 1er de la loi org n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, JO du 13 avril 1996, 5695.

[19] Nouvelle dénomination de membres de l'assemblée. L'appellation précédente, encore retenue par le statut de 1996, était celle de «conseiller territorial».

[20] Proposition de loi org. relative à l'élection de l'assemblée de la Polynésie française, Doc AN, XIe législature, n° 2329 (2000).

[21] Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, JO du 12 avril 2003, 6488 et s V les articles 14 et 15 modifiant la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen et l'annexe 2 de la loi du 11 avril 2003 précisant la composition des huit circonscriptions. Sur la question de la territorialisation du mode de scrutin aux élections européennes, v notre étude: «La réforme différée du mode de scrutin aux élections européennes», RRJ, n° 2000-4, singulièrement 1552-1558.

[22] Rapport de L Lanier, Doc Sén (2003-2004), n° 107, 44.

[23] Projet de loi org portant statut d'autonomie de la Polynésie française, n° 38, Doc Sén (2003-2004).

[24] Amendement n° 140, JO Déb Sén, séance du 18 décembre 2003, 10320.

[25] B Girardin, JO Déb AN, 2e séance du 13 janvier 2004, 310.

[26] JO Déb AN, 2e séance du 14 janvier 2004, 417.

[27] V son intervention au Sénat, en première lecture, JO Déb Sén., séance du 18 décembre 2003, 10321.

[28] B Vernaudon, JO Déb AN, 2e séance du 14 janvier 2004, 417.

[29] Délibération n° 2003-90 APF du 2 juillet 2003 portant avis de l'assemblée de la Polynésie française sur le projet de loi org, reproduit in rapport de J. Bignon n° 1336, Doc AN, XIIe législature, 513-517.

[30] En ce sens, rapport J Bignon n° 1336, préc, 36.

[31] En Nouvelle-Calédonie, les accords de Nouméa du 5 mai 1998 impose une condition de résidence de 10 ans sur le territoire pour participer à l'élection des assemblées de province et du Congrès ainsi qu'aux scrutins d'autodétermination prévus à partir de 2014. Sur l'interprétation de cette condition de résidence, notamment par le Conseil constitutionnel, v E-P Guiselin Le Droit de la Vie Politique, Ellipses, coll «Mise au point», 2004, 26-29.

[32] Décision n° 2000-438 DC, rec, 37, commentée in RJP, vol 9, année 2003, 153-183.

[33] Décision n° 2000-438 DC, préc, 4ème considérant.

[34] L'inégalité de la répartition de la population s'observe aussi en Nouvelle-Calédonie. A elle seule, la province Sud – comprenant Nouméa – compte 75 pour cent des quelque 200 000 habitants du «pays d'outre-mer».

[35] Considérant n° 82 de la décision préc n° 2004-490 DC du 12 février 2004.

[36] 32 élus représentant alors 162 686 habitants sur la base des données du recensement de 1996.

[37] Comprenant 7 communes.

[38] Les députés auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi ordinaire ont tenu à produire au surplus des observations sur la loi organique critiquant sa constitutionnalité. Pour démontrer que la nouvelle répartition des sièges entre les circonscriptions contribuait à «aggrav(er) les écarts de représentation entre les élus et la population» (JO des 1er et 2 mars 2004, 4230) ils ont privilégié une autre méthode de calcul. Déjà exposée par René Dosière à l'Assemblée nationale en première lecture (JO Déb AN, 2e séance du 14 janvier 2004, 418), cette méthode consiste à prendre pour base 100 le nombre moyen d'électeurs par élu, rapporté à la population globale de la Polynésie et au total des sièges de l'assemblée – chacun des 57 élus représentant 4307 habitants – puis à déterminer pour chacune des circonscriptions électorales «l'écart à [cette] moyenne». Au vu de la répartition des sièges opérée en 2004 et des résultats du recensement de 2002, on obtient alors un indice de 115 pour les «îles du Vent» (inchangé par rapport à la précédente répartition), un indice de 88 pour les «îles Sous-le-Vent» (au lieu de 86), un indice de 67 pour les «îles Marquises» (au lieu de 60) et un indice inchangé de 49 pour les «Australes». Concernant les deux nouvelles circonscriptions, l'indice est de 68 pour les «îles Tuamotu de l'Ouest» et de 56 pour les «îles Gambier et Tuamotu de l'Est». L'indice était de 86 pour l'ancienne circonscription des «Tuamotu et Gambier».

Mais, à dire vrai, cette méthode de calcul et d'appréciation des écarts de représentation n'est pas véritablement convaincante car elle fait peu de cas de la spécificité polynésienne et de la nécessité d'assurer une représentation significative aux circonscriptions les moins peuplées. Aussi, il apparaît plus pertinent de calculer les écarts démographiques de représentation par rapport à l'archipel – les «îles Australes» – bénéficiant du ratio élu / population le plus favorable.

[39] En 1946, à l'occasion de la première répartition des sièges entre les circonscriptions, l'assemblée ne comportait que vingt sièges. Depuis, chaque nouvelle répartition s'est traduite par une augmentation: 25 sièges en 1952, 30 en 1957, 41 en 1985.

[40] Les bases du régime indemnitaire des membres de l'assemblée de la Polynésie française sont précisées par l'art 126 de la loi organique du 27 février 2004.

[41] Par ailleurs, la représentation proportionnelle au plus fort reste aboutit au résultat suivant: 36 sièges pour la circonscription principale, 7 sièges pour les «îles Sous-le-Vent», 4 sièges pour les «Marquises» et pour les «îles Tuamotu de l'Ouest», 3 sièges pour les «Australes» et pour les «îles Gambier et Tuamotu de l'Est».

[42] Art 4 II de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 modifiée V aussi, à l'art L 5215-7 du code général des collectivités territoriales, la méthode de détermination de la répartition des sièges entre communes membres au conseil d'une communauté urbaine, qui s'applique à défaut d'accord amiable de l'ensemble des conseils municipaux des communes:

a) Un siège est attribué à chaque commune membre de la communauté;

b) Seules participent à la répartition des sièges restant à pourvoir les communes dont la population municipale totale est supérieure au quotient obtenu en divisant la population municipale totale de l'agglomération, telle qu'elle résulte du dernier recensement général, par le nombre total de sièges à pourvoir. Les sièges restant à pourvoir sont répartis entre ces communes suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne, sur la base de leur population municipale totale diminuée d'un nombre d'habitants égal au quotient mentionné à la phrase précédente.

[43] Le même seuil a été retenu par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 dans le cadre des 8 grandes circonscriptions dessinées pour les élections européennes.

[44] Cette déconnexion était nécessaire dans la mesure où l'article L 338 du code électoral ne pouvait plus servir de base de référence pertinente pour les élections de l'assemblée territoriale de Polynésie. L'article 2 de la loi org. du 15 janvier 2001 a donc inscrit les principes du mode de scrutin de l'assemblée territoriale directement dans la loi de 1952 préc.

[45] Rapport Lanier n° 107, préc, 38.

[46] Alliance entre deux partis d'extrême gauche, «Lutte ouvrière» et la «Ligue communiste révolutionnaire», à l'occasion des élections régionales de mars 2004.

[47] Le Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française a également critiqué le relèvement à 10% des suffrages exprimés du seuil d'accès à la répartition des sièges, en soulignant notamment qu'elle ne permettait pas «d'assurer une représentation suffisante des différents courants de pensée au sein de l'hémicycle polynésien», cité in rapport Lanier n° 107, préc, 137.

[48] Amendement n° 142 présenté par M Buillard et B Vernaudon, fasc annexé aux séances du 14 janvier 2004, JO Déb AN, n° 5 bis, 30.

[49] Rapport de la commission mixte paritaire, n° 1373 et 1374 (Doc AN, XIIe législature), n° 169 et 170 (Sén., 2003-2004), 5.

[50] Le seuil de répartition de 3 pour cent des suffrages exprimés a été adopté pour les élections régionales par la loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 avant d'être remis en cause par la loi n° 2003-327 préc du 11 avril 2003 au profit d'un seuil de 5 pour cent des suffrages exprimés.

[51] Cinq sièges étant répartis à la représentation proportionnelle compte tenu de la prime majoritaire de trois sièges.

[52] Deux sièges y étant répartis à la représentation proportionnelle compte tenu de la prime majoritaire d'un siège.

[53] La fixation d'un seuil de représentativité présente cependant un intérêt résiduel en ce qu'elle détermine par ailleurs l'accès au financement public et au remboursement des dépenses de la campagne électorale. Sur ce point, v. les interventions de B Girardin, ministre de l'outre-mer, JO Déb AN, 2e séance du 29 janvier 2004, 1128 et 1139.

[54] Amendement n° 142 réformant le mode de scrutin, JO Déb Sén, séance du 18 décembre 2003, 10322.

[55] Article 105, alinéa 2 de la loi org. du 27 février 2004. La prime majoritaire est donc de 13 sièges sur 37 dans la circonscription des «îles du Vent», de trois sièges sur huit dans la circonscription voisine des «îles Sous-le-Vent», et d'un siège sur trois dans les quatre autres circonscriptions.

[56] Concernant le mode de scrutin applicable aux élections municipales en Polynésie, v Code électoral, art L 437 et L 438. La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 a transposé aux communes de Polynésie «de 3500 habitants et plus qui ne sont pas composées de communes associées» le mode de scrutin mixte en vigueur en métropole pour les communes entrant dans cette strate de population. Dans les communes «de moins de 3500 habitants et de 3500 habitants et plus composées de communes associées» le scrutin majoritaire continue à s'appliquer.

[57] En ce sens, G Flosse, JO Déb Sén, séance du 18 décembre 2003, 10322: «Ce régime [électoral] est inspiré de celui qui concerne l'élection des conseillers régionaux avec les adaptations nécessaires à la Polynésie française».

[58] G Flosse, eod loc.

[59] J Bignon, JO Déb AN, 2e séance du 13 janvier 2004, 289.

[60] L'éradication de la représentation de certains mouvements politiques pouvant justifier d'une audience électorale significative, supérieure à 5 pour cent des suffrages exprimés, ne lui est pas imputable. C'est la barre élevée d'accès au second tour – 10 pour cent des suffrages exprimés - qui est responsable de leur élimination.

[61] J-C Lagarde, JO Déb AN, 2e séance du 14 janvier 2004, 416.

[62] R Dosière, JO Déb AN, 2e séance du 13 janvier 2004, 301.

[63] J-C Lagarde, JO Déb AN, 3e s du 13 janvier 2004, 328.

[64] Considérant n° 84 de la décision n° 2004-490 DC préc.

[65] Pour l'élection des 51 membres de l'assemblée de Corse, la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 a déterminé une prime majoritaire de 3 sièges seulement, soit à peine 6 pour cent du total des sièges. A l'issue des élections des 21 et 28 mars 2004, le niveau de cette prime n'a pas permis de dégager une majorité claire au sein de l'assemblée. Alors que les formations de gauche disposaient d'une majorité relative de 24 sièges, ce sont des élus de droite qui ont été portés aux fonctions de direction (présidence de l'assemblée, conseil exécutif). Avec huit élus, les autonomistes et les indépendantistes deviennent le groupe charnière de l'assemblée. On peut considérer que le niveau de la prime majoritaire n'est pas assez important.

[66] Ou, à la rigueur, aux deux circonscriptions les plus peuplées. Cf, en ce sens, l'amendement n° 268 déposé par J-C Lagarde, fascicule n° 5 bis, annexé aux séances du 14 janvier 2004, 30, et la défense de cet amendement par son auteur, JO Déb AN, 2e séance du 14 janvier 2004, 420.

[67] «La proportionnelle avec une prime majoritaire d'un tiers quand on a trois sièges à distribuer, ce n'est plus la démocratie, c'est profondément ridicule»., J-C Lagarde, JO Déb AN, 2e séance du 14 janvier 2004, 418.


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